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c3v Maison citoyenne - JOIGNY - YONNE

Procès Filoche : quand les patrons jouent les victimes

7 Juillet 2011, 14:31pm

Publié par C3V

L’ex-inspecteur du travail était jugé le 6 juillet
pour «entrave » au fonctionnement d’un comité
d’entreprise.
Le parquet a demandé une amende de 2000 euros.
Délibéré le 12 octobre.

 

Ce mercredi 6 juillet, une affaire de droit social était jugée  la 31e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris. L’entreprise Guinot est opposée à  Gérard Filoche, inspecteur du travail à la retraite, membre du PS et blogueur sur Marianne2. Mais contrairement aux apparences, Filoche ne vient pas clouer au pilori un patron voyou. Cette fois, c’est lui qui est le prévenu, accusé de délit d’entrave au fonctionnement d'un comité d’entreprise, en l’occurrence celui de Guinot, entreprise de cosmétiques basée sur Paris. Une situation qui peut paraître incongrue : « Je suis stupéfait et inquiet, je me demande ce que je fais là », a déclaré Filoche à Marianne2 avant l’audience.
Photo 6509

Cette affaire   date de presque sept ans, du 23 juillet 2004, plus exactement. Ce jour là, Gérard Filoche veut régler au plus vite le cas de Nassera F., une déléguée syndicale menacée de licenciement. En août, Filoche part en vacances et il n’y aura alors plus personne pour défendre son dossier.  Car, selon le Code du travail, pour licencier un représentant du personnel, le patron doit consulter le CE puis avoir l’aval de l’inspection du travail.  Et le 23, le CE est justement censé se réunir pour délibérer sur ce cas  Avant le vote et à la demande de la syndiquée, Filoche se rend dans les locaux de Guinot pour assister à une réunion en présence du patron de Guinot, d’autres salariés de l’entreprise et des membres du CE.
Photo 6512

Et là, la partie civile, citant plusieurs témoins, affirme que Filoche, aurait menacé de saisir le procureur pour harcèlement moral si le CE votait en défaveur de Nassera. A l'audience, Filoche rétorque qu’il n’a « jamais menacé » d’une telle action en justice et que de toute façon l’avis du CE n’a qu’une valeur indicative. Surtout, il note que les jeux étaient déjà presque fait avant cette fameuse réunion du 23 juillet 2004. En effet, par deux fois, Guinot a déjà essayé de licencier Nassera F. A chaque fois, Filoche s’est opposé. En mars 2004, le CE, accusé par Filoche d'être manipulé par la direction de Guinot, avait déjà voté en défaveur de la syndicaliste. Deux arguments brandis par Filoche pour explique qu’il n’avait pas besoin de faire pression puisque le CE et lui-même avait déjà statué sur le cas : « En quoi aurais-je eu besoin de l’influer ? ».
Photo 6502

Hamon à la barre
Au final, le CE votera quand même quand même en défaveur de Nassera F. Mais Filoche refusera le licenciement avant d’être désavoué par Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail et patron de l’Inspection du travail. « Jean-Denis Combrexelle, c’est le Besson du Code du travail, il vient de la gauche et il fait le boulot de la droite depuis 8 ans », dit Gérard Filoche à son sujet. De son côté, Guinot n’appréciera l’intervention de Filoche et portera plainte contre lui. 
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Et pour Filoche, cette audience va plus que loin que l'affaire Nassera F. Dans le public, on compte des syndicalistes, des sympathisants politiques, Alain Krivine est venu montrer son soutien devant le Palais de Justice, Benoît Hamon est cité comme témoin de même que l’ex-ministre du Travail Jean Auroux. Plus qu’un procès, l’audience a des allures de meeting politique. ` 

L'inspecteur tient d'ailleurs à rappeler les casseroles de Guinot. Car le cas de Nassera F. est un symbole de toutes les dérives en matière de droit social dans les entreprises. En 2003, elle revient d’un congé maternité. Mais elle ne retrouve pas son poste de départ et est désormais chargée en tant que cadre commerciale de l’Amérique latine et non plus du monde arabe. « Ils nous ont interverti avec une collègue pour nous déstabiliser », explique-t-elle. Pire, elle se retrouve sans téléphone ni ordinateur. Pour se défendre, suivant les conseils de Gérard Filoche, elle se syndique et cherche à monter un CE alors inexistant. D’où l’hostilité de Guinot à son égard. 
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L’entreprise n’hésitera alors pas tous les moyens pour faire tomber la syndicaliste. Pour justifier le licenciement de Nassera en juillet 2004, la direction prétend qu’elle a pris une semaine de congé sans accord de sa hiérarchie. Celle-ci répondra qu’a bien au un accord écrit. Ses patrons prétexteront qu’il s’agit d’un faux et porteront plainte contre elle pour « faux en écriture », procès perdu par Guinot en appel. Le même employeur a également été condamné en appel pour « entrave » à l’exercice du mandat de délégué syndicale de Nassera F. Cerise sur la gâteau, en mars 2010 la Cour d’appel administrative a donné raison à Filoche en cassant la décision de son supérieur Jean-Denis Combrexelle qui avait confirmé le licenciement de la syndicaliste.
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Patron délinquant ?
Au vu de ce pedigree, Filoche fait le fier : « Elle a gagné 12 procédures sur 12, le patron est trois fois délinquant ». « Une pure invention », répond Me Varaut. Après l’audience, il indiquera à Marianne2 qu’en fait le Conseil d’Etat a été saisi sur le licenciement mais n’a finalement pas statué et que les deux parties ont conclu un arrangement financier tenu secret. Des arguments qui n’atteignaient pas l'ex-inspecteur : « La Cour administrative d’appel a rendu un jugement définitif ». 

Et Filoche veut que cette audience soit le procès de tous les patrons voyous. « Si le jugement est défavorable, pour moi, ce ne sera pas grave, je suis à la retraite. Mais ce le sera pour tous les inspecteurs du travail », lance-t-il à ses juges. 
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A l’inverse, Me Varaut refuse tout procès politique, débutant sa plaidoirie par une touche d’ironie : « On a entendu des ex-directeurs de Gérard Filoche, des chercheurs, des camarades politiques pour dire deux choses : le droit social va mal et Gérard Filoche est quelqu’un de bien ». Pour lui, « ce qui nous intéresse, c’est ce qu’il s’est passé le 23 juillet ». Me Varaut reproche notamment à Filoche d’avoir choisi des témoins très politiques et non des protagonistes directs de l’affaire : « Pourquoi ne pas avoir fait venir des gens qui ont assisté à la scène ? Parce que tous les témoignages ne lui sont guère favorables ». Filoche répond que les salariés ont subi des pressions de leur direction.

De son côté, l’avocat de Filoche estime que son client n’a en aucun cas entravé le fonctionnement du CE : « La réunion s’est déroulée normalement et a abouti à un vote secret ».  Dans sa plaidoirie, il cite une jurisprudence de la Cour de Cassation datant de 1983 donnant une définition restrictive du délit d’entrave.  Il invite également le tribunal à penser aux conséquences d’un jugement défavorable à Filoche : « On apportera de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la liberté de penser s’arrête là où commence le Code du travail ». Il conclut ainsi sa plaidoirie : « Avec lui (Gérard Filoche, ndlr), indignez-vous ! »
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Mais si le procureur s’est indigné, c’est surtout contre Filoche. Dans son réquisitoire, elle demande sa condamnation à 2000 euros d’amende. Délibéré le 12 octobre.
 
                                    Album photo                              
                                Migennes 10-2010                          
                 et procès TGI Paris 2011Aflèche main   afleche 22
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